• Adieu à l'Italie - Bruno Racine

       Adieu à l’Italie – Bruno Racine

     Il est moins connu que David, dont il fut l’élève, il n’a pas le génie d’Ingres, qui peignit son portrait en 1809 et avec qui il partagea l’amour de Rome et de l’Italie, mais il s’affiche toutefois comme un grand peintre néo-classique et même si son nom a quelque peu subi la patine du temps, on lui doit de belles et grandes œuvres telles « Le chœur des Capucins » ou « Intérieur de la basilique basse de St-François d’Assise ».

    Ce peintre, c’est François-Marius Granet (1775-1849), dont Bruno Racine, ancien directeur de la Villa Médicis et actuel responsable de la Bibliothèque Nationale, ressuscite un peu de l’éclat et du faste dans cette biographie romancée au charme classique auréolée d’une prose lustrée et délicate.

     Dans « Adieu à l’Italie », Bruno Racine met en scène Granet à la fin de sa vie, alors que veuf de Nena - la compagne avec laquelle il vécut une relation adultère pendant 40 ans - lui-même vieillissant, il s’attache à préparer sa sortie avec la même constance et la même discipline qu’il en a mis tout au long de sa vie pour mener à bien sa charge d’artiste-peintre. Deux grandes toiles attendent d’être achevées qui seront le point final à apposer sur le livre de la vie.

    C’est là l’heure du bilan et des dispositions testamentaires, quand l’artiste, aspirant à léguer à la postérité les fruits de son travail, s’interroge sur le devenir de son œuvre avec l’indicible crainte de sombrer dans l’oubli.

    C’est l’homme face à lui-même qui est ici représenté, avec cette part de lucidité qui se libère dans l’imminence de l’achèvement, l’homme face à ses questions essentielles : Qu’est-ce qui va rester ? Qu’est-ce qui est périssable dans la masse de tous les travaux, de toutes les peintures réalisées au fil du temps ?

    La quantité phénoménale de superbes aquarelles de Granet, plus personnelles, plus spontanées, effectuées en marge de sa peinture officielle, acquièrent ainsi à l’heure des bilans, une autre portée, offrant un autre regard et le questionnement de savoir si l’œuvre intime n’est finalement pas plus importante que celle qui fait le succès...

     Né à Aix-en-Provence dans une famille d’origine modeste, son travail, sa persévérance, ainsi que des amitiés fertiles et profondes, permirent à Granet d’accéder à d’honorables fonctions sous la Restauration et de gagner une renommée internationale dans le monde des arts.

    Peintre officiel sous Louis-Philippe, il fut aussi conservateur au musée du Louvre, directeur du musée d’Aix-en-Provence ou encore collectionneur du musée d’Histoire de France.

    Un certain académisme dans sa peinture et la Révolution de 1848 en firent un peintre en voie de déclassement. La Seconde République annonçait le changement,  le monde évoluait et la peinture avec lui.  Il n’était pas un génie et le savait, juste un peintre surpris par le succès grâce à sa plus célèbre toile, « Le chœur des Capucins », dont il dut effectuer d’innombrables répliques pour les grands de ce monde tout au long de sa vie.

    Louis-Philippe détrôné, Granet se réfugia dans sa bastide du Malvallat à Aix-en-Provence, sans regret pour la vie parisienne qu’il laissait derrière lui.

     Entre l’auteur, spécialiste des Beaux-arts, et le peintre déclinant isolé en Provence, les résonnances personnelles bruissent doucement dans une confession intime et ultime, faite de souvenirs heureux, de doutes, de désarrois, de l’enseignement final que l’on porte sur une vie écoulée.

    Les deux hommes, tous deux conservateurs en leur temps, partagent l’amour et la connaissance des Arts ainsi qu’une passion heureuse pour l’Italie et notamment pour Rome. Bruno Racine a été directeur de la Villa Médicis, Granet y a vécu les plus belles années de son existence…cette communion de cœur et d’esprit donne à « Adieu à l’Italie » la tonalité douce des peintures intimistes, mélange de clair-obscur parsemé ça et là de taches de lumière.

     La plume languide et réfléchie de Bruno Racine s’écoule en longues phrases posées et attentives, pour nous faire apprécier ce vieux monsieur aux cheveux d’argent attachant et sympathique, qui n’a jamais voulu jouer le jeu des intrigues politiques et des courtisans. Ces belles phrases élancées sont comme le puits de lumière que ménageait Granet dans ces toiles et qui était en quelque sorte sa marque de fabrique. Dans le clair obscur d’une existence vouée à l’Art, elles éclairent d’une lumière douce et tamisée le peintre dans sa bastide provençale, nimbant d’un dernier reste d’éclat cet homme en fin de parcours, désormais seul face à lui-même.

    Ode à la mélancolie, méditation finale dépourvue de regrets, « Adieu à l’Italie » révèle, sans aucune tristesse, le sentiment permanent d’inachèvement, d’imperfection et d’insatisfaction que nourrissent tous les artistes.

    Et François-Marius Granet nous fait une dernière révérence…

    Texte Malaura

     

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