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Les poupées
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Une poupée à Auschwitz
Sur un tas de cendre humaine une poupée est assise
C’est l’unique reliquat, l’unique trace de vie.
Toute seule elle est assise, orpheline de l’enfant
Qui l’aima de toute son âme. Elle est assise
Comme autrefois elle l’était parmi ses jouets
Auprès du lit de l’enfant sur une petite table.
Elle reste assise ainsi, sa crinoline défaite,
Avec ses grands yeux tout bleus et ses tresses toutes blondes,
Avec des yeux comme en ont toutes les poupées du monde
Qui du haut du tas de cendre ont un regard étonné
Et regardent comme font toutes les poupées du monde.
Pourtant tout est différent, leur étonnement diffère
De celui qu’ont dans les yeux toutes les poupées du monde
Un étrange étonnement qui n’appartient qu’à eux seuls.
Car les yeux de la poupée sont l’unique paire d’yeux
Qui de tant et tant d’yeux subsiste encore en ce lieu,
Les seuls qui aient resurgi de ce tas de cendre humaine,
Seuls sont demeurés des yeux les yeux de cette poupée
Qui nous contemple à présent, vue éteinte sous la cendre,
Et jusqu’à ce qu’il nous soit terriblement difficile
De la regarder dans les yeux.
Dans ses mains, il y a peu, l’enfant tenait la poupée,
Dans ses bras, il y a peu, la mère portait l’enfant,
La mère tenait l’enfant comme l’enfant la poupée,
Et se tenant tous les trois c’est à trois qu’ils succombèrent
Dans une chambre de mort, dans son enfer étouffant.
La mère, l’enfant, la poupée,
La poupée, l’enfant, la mère.
Parce qu’elle était poupée, la poupée eut de la chance.
Quel bonheur d’être poupée et de n’être pas enfant !
Comme elle y était entrée elle est sortie de la chambre,
Mais l’enfant n’était plus là pour la serrer contre lui,
Comme pour serrer l’enfant il n’y avait plus de mère.
Alors elle est restée là juchée sur un tas de cendre,
Et l’on dirait qu’alentour elle scrute et elle cherche
Les mains, les petites mains qui voici peu la tenaient.
De la chambre de la mort la poupée est ressortie
Entière avec sa forme et avec son ossature,
Ressortie avec sa robe et ses tresses blondes,
Et avec ses grands yeux bleus qui tout pleins d’étonnement
Nous regardent dans les yeux, nous regardent, nous regardent.
Moshe Shulstein (1911-1981), poète yiddish
« Ces voix toujours présentes », Anthologie de la poésie contemporaine européenne concentrationnaire.
Tags : poupée, poésie concentrationnaire
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Commentaires
@ Julie : Bonjour ma chère Julie, et merci beaucoup pour ce commentaire empli de ressenti sincère et émouvant. A ta question de mon choix aujourd'hui sur les poupées, je répondrai que quelque part ce sont elles qui m'y ont poussée. En fait aujourd'hui, je voulais proposer un article coloré et gai sur les fleurs ! J'étais plutôt contente de certaines macros que j'avais faites et j'étais enthousiaste à l'idée de les présenter pour le weekend. Mais j'ai photographié les poupées il y a trois jours, et depuis, j'y revenais sans cesse, presque contre ma volonté. Je n'arrêtais pas de les regarder. Leurs regards me fascinaient, c'était comme si elles voulaient me dire quelque chose. Alors j'ai cherché sur internet et je tombe aussitôt sur ce poème yiddish, sur l'univers des camps et là, j'ai su que c'était ça, c'était le lien. J'ai laissé de côté mes jolies fleurs colorées et j'ai fait ce post. Mais la prochaine fois, je présenterai mes fleurs, un article avec de la gaieté, des couleurs, de la vie....que je te dédicace par avance :) Merci de ta présence chaleureuse et réconfortante. Bises amicales et belle journée à toi aussi Julie :)
@L'Angevine : merci beaucoup de ton commentaire l'Angevine, le regard des poupées m'a vivement interpellée et je suis heureuse que tu en apprécies l'effet. Bises et amitiés :)
Excellente journée à tous et toutes avec mes sentiments chaleureux !
6AndréVendredi 20 Mars 2015 à 14:31Bonjour Malaura,
Les yeux ronds de tes poupées sur l'indicible horreur d'Auschwitz me rappellent la citation d'Emmanuel Lévinas tirée de l'essai intitulé "Entre nous" :
"la disproportion entre la souffrance et toute théodicée se montra à Auschwitz avec une clarté qui crève les yeux"
Merci beaucoup Malaura pour ce très beau travail de Mémoire !
Je suis aller en Pologne et j'ai "visité" ce camp, mon Grand-Père y ayant été envoyé comme prisonnier politique.
Juste l'horreur...
Il y a toujours dans le Musée des tas de choses, comme en effet des poupées, mais aussi lunettes, prothèses...
Un texte qui me touche profondément.
Bonne journée8Adela FontsVendredi 20 Mars 2015 à 15:53Unas fotografias impactantes, Perfecta y misteriosa mirada de las muñecas. Los ojos de cristal me fascinan y me inquietan. Me aterrorizan... quizás es el recuerdo de algunos films que tienen como protagonistas muñecos delirantes y crueles.
Un perfecto equilibrio entre las muñecas y la fuerte poesía de Moshe Shulstein! Recordar el espanto sobrecogedor de los campos de concentración... algo necesario para todos los humanos que habitualmente tenemos mala memória.
Me maravilla tu entusiasmo y tu arte en presentar estas obras complejas, vitales... y artísticas!
Muchas gracias por compartirlas con nosotros...
Un abrazo amiga!
Ma très chère Malaura... :) Merci à toi pour cette belle et détaillée réponse... et merci d'avance pour les fleurs, suis touchée... :)
Elles sont chez toi ces poupées ? J'avoue qu'en général je ne les aime pas trop, je les trouve tristes... sauf les bébés tout potelés... :) Peut-être parce que petite je n'ai jamais eu, non par faute de moyens... juste que les cadeaux (jouets) n'étaient pas dans les moeurs de l'époque... on se les fabriquait nous même... En outre, j'étais un garçon manqué... mes jouets préfères étaient les marteau, clous, scie, rabot, planches en bois... tout avec quoi on pouvait (moi et mes trois autres copains) "construire" des cabanes, radeaux... ets, au grand dam de mon grand-père (menuisier de tonneaux pendent ces heures libres) qui ne trouvais jamais ses outils à leur place... :) Que des bons souvenirs...
J'aime bien bavarder avec toi... t'es trop gentille... :) Tu excuseras stp mes coquilles de frappe et d'orthographe, pas trop mon truc... suis désolée... :)
Bonne soirée. Bises...
J'adore ta série et le poème poignant! Merci pour ce partage!
Bonne fin de semaine chal-heureuse et lumineuse!
14*Samedi 21 Mars 2015 à 06:33Bonjour Malaura, tes photos collent parfaitement à ce déchirant et émouvant poème qui nous ramène à une si triste page de notre 'histoire!
Passe une belle journée.
Amitiés
De superbes photos!!!! et je comprend ton cheminement!!! très intéressant!!! J'ai vu ta réponse à Julie!! BRAVO
Un texte poignant et troublant Malaura… la séquence de photos en blanc et noir est superbe…. merci du partage….
Le texte prend aux tripes et accompagne fort bien ces poupées au regard qui interpelle (ma préférée : la dernière)
Je suis partagée entre la fascination et le côté dérangeant de ces regards...Et puis je suis touchée et émue par les mots de ce texte...Bises Malaura et bonne soirée
@ Julie : Bonjour Julie, je réponds un peu tard à ton gentil mot car, après avoir un peu plombé l'atmosphère avec mes poupées, je suis partie me faire un super weekend avec ma soeur, hi hi :) Du coup, je découvre ton com à peine maintenant. Alors non, non, non, ces poupées ne sont pas à moi. Sincèrement, je pourrai pas avoir ça chez moi. Ca me ferait trop flipper. Je les trouve belles, leur regard est fascinant mais il y a quelque chose de vivant et de triste en elles qui met mal à l'aise. Comme dit Adela, cela vient peut-être aussi du souvenir des films de peur dans lesquels elles ont toujours des rôles effrayants....Toujours est-il que je préfère les savoir à l'extérieur de mon domicile :) Mais j'ai adoré prendre leur beau visage en photo.
Enfant,moi j'étais plutôt poupée Barbie, mais mon grand truc c'était de grimper aux arbres et de lire, installée sur une branche, ou de jouer de la flûte au chien des voisins, un chien blanc du nom de Sami que j'adorais..et puis aussi faire griller des amandes sur une pierre....Par contre je ne sais pas du tout manier le marteau et le rabot alors ne me demande pas de construire une cabane ;)
Je te souhaite une belle journée ma chère Julie. Bises et amitiés
@ tous : et une belle journée à tous avec mes remerciements sincères et chaleureux : petite *, Martine, Adela, Richard, Francesco, Didier, André, etc....merci de vos commentaires encourageants et de votre présence.
bonsoir,un texte empreint d'émotion, c'est un endroit que j'aimerais visiter, je te souhaite une bonne soirée bisous
Les yeux grands ouverts
À jamais sur le silence
L'horreur absolue
Je découvre votre blog , Malaura , ses photos et ses textes qui interpellent . Cet article fait écho au livre "Charlotte" de David Foenkinos que je viens de lire . La question du mal reste incompréhensible ...
Belle journée
Ce poème m'a donné le chair de poule ! Quel réalisme farouche devant tant d'horreurs et en même temps, le drame raconté avec pudeur. J'en suis toute retournée. Merci Malaura. Bises amicales. Joëlle
Tu as parfaitement réussi les photos de la poupée. Mais le poème est un rappel tragique que l'on peut lire dans le regard de porcelaine de la poupée.
Ces poupées en devoir de mémoire... La poupée sera toujours le réconfort avec son ami l'ours en peluche (un très bel album sur ce thème d'ailleurs : Otto).
c'est dur, parce que vrai,
ne jamais oublier, ne jamais recommencer, tout faire pour l'empêcher.
32VanessaVendredi 19 Juin 2015 à 20:04Bonjour,
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Emouvant et déchirant... toutefois, la tristesse emporte mon ressenti...
Ne sais pas commet dire sans être mal comprise, mais l'humour et l'amour m'inspirent d'avantage que le grave...
J'aime les souvenirs... je préfère quand-même les bons... les positifs... :)
Je suis curieuse de savoir pourquoi ce choix aujourd'hui... quel est le message que t'aimerais nous faire passer...
Les poupées en n&b me font peur... néanmoins ça colle bien avec les vers...
Bonne et joyeuse journée pour toi Malaura... Bises et amitiés... :)