• Que la blessure se ferme de Tahar Ben Jelloun

     

    Que la blessure se ferme – Tahar Ben Jelloun

     

    Si l’on devait réduire « Que la blessure se ferme » à un seul terme, ce serait sans doute le mot « lumière » qui nous viendrait spontanément à l’esprit.
    La lumière est partout dans ce beau recueil qui entretisse avec beaucoup d’émotion et d’humilité, poésie, prose et réflexions.
     

    Lumière diffuse ou éclatante, lueur trouble ou étincelante, brume effilochée ou éclair foudroyant, éclat lustré ou mordoré, la lumière rayonne et nimbe tout, elle darde ses feux miroitants sur les êtres et les choses, s’attarde en voile chatoyant sur les villes de la Méditerranée, de Fez ou de Naples, façonne les pierres millénaires en miroitements de silice, les lustre d’une patine où s’inscrivent les marques du temps et les fissures de l’Histoire.
    Doigt de dieu, elle touche le cœur des hommes de foi en rais éblouissants, elle descend du ciel en ondes caressantes, elle monte de la terre en brasier incandescent, elle se love, paresse, s’exhibe ou se cache, tantôt vive, tantôt sombre, tantôt joyeuse, tantôt terne, elle essaime, radieuse, ses rayons flamboyants dans le cœur plein d’illusions de l’amoureux, ou s’assombrit dans le désamour et s’ombrage en tons orageux dans la colère et le dépit de l’amant déçu.
    Lumière blanche de la quête spirituelle, lumière pourpre du sang versé, elle est source de vie, elle est parole, elle est amour, elle est cri, elle est larme ou Vérité, elle est cette clarté qui brille dans le cœur des hommes, le croyant ou l’épris, l’enfant ou le fou, le mendiant ou le saint, le profane ou l’élu…

    Il n’est pas étonnant alors que la première et meilleure partie du recueil s’intitule « Lumière sur lumière ».
    Tahar Ben Jelloun, au détour de poèmes ardents à l’inspiration envoûtante, y rend hommage au poète et mystique soufi Al-Hallaj, puisant dans le martyr et la spiritualité de ce dernier, le souffle qui alimente sa propre poésie et sa quête intérieure. Des vers brefs et puissants, dépouillés mais plein de ferveurs, des mots comme des soupirs ou des effluves, concis, illuminés, porteurs d’une grande richesse mystique et qui révèlent, à l’instar du célèbre ascète Al-Hallaj, une recherche de l’Absolu et de la pensée divine dans l’expression d’un langage réduit à sa plus simple essence.
    Vérité, Parole et Absolu s’embrasent ainsi dans une même fusion, une même communion, une même dissolution pour atteindre au divin :
    « On remonte la page/ On suit la phrase/ On est choisi par le mot/ dit à l’infini/ jusqu’à l’apparition du visage de l’Aimé ».

    La lumière s’expose aussi dans les autres parties du recueil, celles plus sentimentales où Tahar Ben Jelloun s’exprime, non plus sur l’idée de foi, de la quête spirituelle et du cheminement intérieur, mais sur l’Amour et ses manifestations les plus chagrines, l’absence de sentiments et le désamour. Dépit, déception, amertume, illusions déçues s’inscrivent dans une poésie plus ombrageuse, rembrunie par les sentiments de peine et d’affliction de l’amoureux désenchanté. Cependant, là-aussi, la lumière triomphe, porteuse de désir et d’espérance :
    « L’Aimée se tient sur la cime de l’exception/ Il faut lever les yeux pour la voir/ Il faut lever le cœur très haut pour l’atteindre ».

    La lumière se répand encore tout entière dans cet « être solaire » que Tahar Ben Jelloun a pour fils, cet enfant trisomique dont le poète nous livre un émouvant témoignage d’affection et d’amour paternels. La tendresse, l’attachement, la compréhension qui émanent des belles lignes que l’auteur dédie à son fils, sont une parenthèse bienfaisante à la violence affichée du monde ; temps suspendu offrant un instant de grâce pure, un moment d’émotion immaculé, le sentiment de l’ingénuité retrouvée, « un amour qui dément la brutalité et la bêtise » :
    « Il n’est pas comme les autres/ Il est innocence éparse dans une société qui ment/ Il touche à l’essaim de tant d’étoiles du simple fait de rire aux éclats/ Il est cette liberté dont on n’écrit nulle part le nom ».

    La lumière, bien que plus diffuse, s’épanche enfin dans les aphorismes qui parachèvent le recueil comme autant de petits cailloux lumineux jetés sur le cours de la vie en pensées, raisonnements, paradoxes ou évidences.
    150 idées et impressions pour parler de tout et de rien, de l’amour, de la mort, de la maladie, de l’amitié, de la poésie, du sens des choses…
    150 remarques et observations, sages ou caustiques, drôles ou surprenantes, qui ouvrent l’horizon sur une réflexion positive et offrent un chemin à parcourir, quels que soient les méandres de l’existence, ensoleillés ou ombragés, jusqu’à ce « Que la blessure se ferme ».
    Alors, seule une prière sera à rajouter au registre de l’espérance :
     

    « Mon Dieu ! Donnez-nous une passion ! Qu’elle vienne de l’étrange ou de l’inconnu, qu’elle soit forte et belle, qu’elle fabrique du bonheur ou de la folie, mais qu’elle soit là sur notre chemin, tant que nous avons l’énergie de défier les impossibles, d’imaginer le rêve et d’en être jusqu’à la fin. »

     

    Que la blessure se ferme de Tahar Ben JellounMalaura

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    "On remonte la page
    On suit la phrase
    On est choisi par le mot
    dit à l'infini
    jusqu'à l'apparition du visage de l'Aimé." 

     

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